Les combats, le scorbut et les fièvres touchent durement les équipages de Suffren. Chaque fois qu'il le peut, c'est à dire chaque fois que son escadre opère dans une région pour quelques mois, autour de Trinquemalay sur l'île de Ceylan, Achem en Indonésie pour relâcher durant la mousson, ou Goudelour sur la côte de Coromandel, il fait bâtir un hôpital à terre et y transfert les malades, qui ont plus plus de chance de se remettre à terre que dans l'ambiance insalubre des vaisseaux du Roi.
Début février 1783, Suffren rend visite à l'hôpital qu'il a fait installer à Goudelour. Le spectacle l'a choqué, notamment le travail du chirurgien. Il s'en émeut auprès du médecin-major de l'hôpital, M. Rochard, dans la lettre reproduite ci-dessus. Or on se souvient que Rochard accompagne le chirurgien-major Noel au chevet d'Hayder Ali Khan. Il est donc très probable que la cible des critiques de Suffren soit Jean Marie Michel.
" A M. Rochard, médecin en chef de l'armée.
A bord du Héros, ce 10 février 1783, en* rade de Goudelour.
j'ai été ce matin, Monsieur, voir notre hôpital j'aurais bien désiré vous y trouver. J'ai remarqué que les malades étaient assez bien-, j'ai même vu que leur ration était plutôt plus forte que trop faible; mais je vous avouerai que votre chirurgien-major m'a paru aimer un peu trop à couper ; et comme la plupart de ce qu'ils appellent blessures ne sont que des ulcères dépendant d'un vice scorbutique ou autre, il me semble que ces malades ne devraient être traités que par vous, et le chirurgien ne panser et n'opérer que selon vos ordonnances. Je crois que vous êtes trop bien intentionné pour ne pas faire céder ces petits égards d'état au bien dès malades. Je désirerais aussi que nos malades fussent plus séparés selon leurs maladies. Un scorbutique, qui n'a point la fièvre, est très-mal entre deux malades qui, non seulement l'ont, mais de plus ont une dysenterie épidémique. Au reste, comme vous avez plus d'expérience que moi dans ces sortes de choses, je soumets mes vues aux vôtres.
J'ai l'honneur d'être très-respectueusement, Monsieur, votre très humble et très-obéissant serviteur,
Signé, le Chevalier de SUFFREN."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire